Parution dans Artravel
Merci au magazine Artravel pour son article dans le hors série sur les Alpes du 28 décembre.
UN COMPETITEUR NE
Comme tous les chefs et restaurateurs, Benoît Vidal, deux étoiles au Guide Michelin, attend avec impatience de rouvrir son établissement… Lové dans un petit hameau de Val d’Isère avec des airs de bout du monde, son restaurant gastronomique l’Atelier d’Edmond est une merveille. Un havre de paix au décor authentique où le chef de 46 ans, d’origine perpignanaise, déclare son amour aux plus beaux produits des Alpes. Rencontre.
Propos recueillis par Delphine Després
Pourquoi avez-vous décidé de vous installer dans les Alpes, un territoire radicalement différent de votre Sud natal ?
Benoît Vidal : Cela fut un concours de circonstances. J’avais été licencié d’un établissement dans lequel j’avais décroché une étoile au Michelin, parce que le restaurant avait été repris par un groupe qui ne souhaitait plus faire de gastronomie. Je me suis retrouvé dans un trou noir, et le chef Régis Marcon, avec lequel j’avais déjà collaboré, connaissait le propriétaire de l’Atelier d’Edmond qui, au même moment, cherchait un chef. Régis
soutenait que cet endroit me correspondait parfaitement. J’étais réticent au départ, car je me disais au contraire que Val d’Isère et les stations de ski n’étaient pas pour moi…
Pourquoi avez-vous malgré tout franchi le pas ?
Benoît Vidal : Quand je suis arrivé à Val d’Isère en réalité, j’ai eu un véritable coup de cœur. J’imaginais une station en béton et une usine à ski, alors que Val d’Isère est un petit village de pierre et de bois avec des hameaux, une identité rurale, avec du caractère et une personnalité. Et cela me correspondait. De plus, l’Atelier d’Edmond, accessible également à ski, était situé dans le hameau du Fornet, à l’écart du village, et je me retrouvais dans cette identité rustique et rude. C’était un joli chalet du bout du monde à 1 950 mètres d’altitude, un chalet avec une âme, à taille humaine, qui proposait à l’époque une cuisine de montagne. Le challenge me plaisait. J’ai repris les cuisines de l’Atelier d’Edmond en 2011. Je suis le chef gérant et associé avec le propriétaire.
Dix ans après, comment votre restaurant a-t-il évolué ?
Benoît Vidal : J’ai obtenu ma première étoile au Guide Michelin en 2012. Elle est arrivée très vite. Depuis que je suis chef, j’ai toujours fréquenté des maisons étoilées [ndrl : L’Aubergade à Puymirol, Les Prés d’Eugénie à Eugénie-les-Bains, Le Clos des Cimes à Saint-Bonnet-le-Froid, etc.], donc ça fait partie de mon ADN. Je suis un compétiteur et mon équipe et moi avons travaillé pour. Puis, j’ai décroché la seconde en 2015, date à laquelle j’ai
également ouvert mon Bistrot Gourmand au rez-de-chaussée. J’y concocte une cuisine plus simple, plus rustique, un peu canaille, dans une ambiance montagne « comme à la maison ». Par ailleurs, chaque année nous faisons évoluer la décoration et les intérieurs de notre chalet, tout en conservant son identité rustique chic et authentique.
Quelle est l’essence de votre cuisine ? Est-elle influencée par vos origines catalanes ?
Benoît Vidal : La cuisine catalane est une cuisine de terroir, avec des associations, terre et mer. Je me suis amusé quelque temps à associer les produits des lacs et de la terre ; le côté rustique de cette identité se conjugue bien avec la montagne. Au départ, ma cuisine était peut-être moins typée montagne qu’aujourd’hui. Je suis très attaché à travailler avec les meilleurs producteurs et fournisseurs locaux. Tout part du produit. J’ai découvert aussi de nouvelles saveurs ici, notamment des plantes de montagne que j’utilise beaucoup. Je travaille les poissons de lac en priorité, mais je ne m’interdis pas d’introduire des produits d’autres régions, comme la saint-jacques que j’aime énormément. L’idée n’est pas d’être 100 % locavore. Pour les cuissons, je privilégie la douceur, les cuissons basse température.
Quels sont vos plats signature ?
Benoît Vidal : Je dirais le Filet d’omble chevalier, Peau de pain grillée, céleri avec une sauce à la berce qui se marie magnifiquement avec la finesse de l’omble, ou encore les Écrevisses et mousseline de brochet, consommé des têtes infusées à l’aspérule odorante.
Quelles sont vos perspectives de développement ?
Benoît Vidal : Nous avons créé une extension devant le Bistrot pour déplacer ce dernier et ouvrir un salon de thé au rez-de-chaussée. Nous avons aussi conçu une bibliothèque à l’étage, au niveau de la table gastronomique, avec beaucoup de livres de cuisine. Il s’agit d’un salon chaleureux pour accueillir les clients. Je cherche également une annexe pour ouvrir une adresse à Val d’Isère même, mais cela prend du temps, car j’aime avoir les deux pieds dans ma cuisine.
À l’heure où nous publions cet entretien, Benoît Vidal n’a pas encore pu rouvrir son établissement à cause des mesures gouvernementales. Le chef nous a confié avoir pris « une grosse claque en mars » quand la fermeture leur a été imposée « alors que la maison tournait comme un avion de chasse ». Benoît Vidal, chefs et restaurateurs, vous avez tout notre soutien.